Dans une interview exclusive accordée au magazine Jeune Afrique, le président rwandais Paul Kagame a reconnu ouvertement sa sympathie pour le mouvement rebelle M23, un groupe armé responsable de violences et d’instabilité dans les provinces congolaises du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Cette déclaration intervient dans un contexte régional déjà marqué par des tensions historiques et des accusations récurrentes de soutien rwandais aux rebelles actifs en République démocratique du Congo (RDC).
Une position assumée malgré les controverses
Interrogé sur son soutien présumé au M23, Paul Kagame a répondu sans détour :
« Ai-je aussi de la sympathie pour le M23 ? Oui, en me basant sur des faits et des preuves. Il s’agit d’un groupe qui représente une large population, laquelle est persécutée, déplacée, tuée. »
Cette prise de position, bien que controversée, s’inscrit dans une logique de défense des communautés tutsies rwandophones vivant en RDC, une cause que le président rwandais défend depuis des années.
Les racines du conflit dans la région des Grands-Lacs
Le M23, mouvement rebelle principalement composé de combattants tutsis, justifie ses actions par la nécessité de protéger les Tutsi congolais contre les persécutions et les violences ethniques.
« Le point de départ des revendications du M23, c’est d’abord la protection et la sauvegarde de la communauté Tutsi du Congo. C’est la racine de la conflictualité dans cette région des Grands-Lacs », a déclaré Kagame lors de l’interview.
Cependant, cette justification est loin de faire l’unanimité. De nombreux observateurs internationaux et organisations de défense des droits de l’homme accusent le M23 d’être à l’origine de graves exactions contre les civils, y compris des massacres, des viols et des déplacements forcés de populations. Les Nations unies et plusieurs pays occidentaux ont également pointé du doigt le Rwanda pour son soutien présumé au groupe rebelle, une accusation que Kigali a toujours niée.
Un défi aux menaces de sanctions internationales
Malgré les pressions croissantes de la communauté internationale, Paul Kagame affiche une détermination sans faille. Il a déclaré ne pas craindre les menaces de sanctions, notamment de la part de pays comme la Belgique, l’Allemagne et d’autres nations européennes.
« Il y a des incohérences et des malhonnêtetés flagrantes de la part de pays qui, comme la Belgique, font partie de l’histoire et du problème. Le gouvernement de la RDC emploie des mercenaires, comme chacun le sait. D’où viennent-ils ? D’Europe », a-t-il affirmé.
Kagame a également lancé un avertissement clair à ses détracteurs :
« Si je dois choisir entre faire face à une menace existentielle et être confronté à des sanctions, je prendrai les armes pour affronter la menace existentielle, sans tenir compte des sanctions. »
Cette déclaration souligne la fermeté du président rwandais, qui semble prêt à défier les puissances occidentales pour protéger ce qu’il considère comme les intérêts vitaux de son pays et de ses alliés régionaux.
Une situation régionale explosive
Les propos de Paul Kagame risquent d’envenimer davantage les relations déjà tendues entre le Rwanda et la RDC. Kinshasa accuse régulièrement Kigali de soutenir le M23, une accusation qui alimente un climat de méfiance et de tensions militaires à la frontière entre les deux pays. La communauté internationale, quant à elle, reste divisée sur la manière de gérer cette crise complexe, où les enjeux ethniques, économiques et géopolitiques s’entremêlent.
En conclusion, l’interview de Paul Kagame dans Jeune Afrique révèle une fois de plus la complexité des dynamiques régionales dans la région des Grands-Lacs.
Alors que le président rwandais assume ouvertement sa sympathie pour le M23 et défie les menaces de sanctions, la situation sur le terrain reste explosive, avec des conséquences humanitaires désastreuses pour les populations civiles prises au piège de ce conflit prolongé.
Gilbert MUKUAYA
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